Superstitions et Sorciers - Folklore de Neuville-le-Chaudron lez Philippeville

Époque 1900 à 1918 

Texte original de Clément Dimanche. Les illustrations ne font pas partie du texte original.

Initialement publié dans le cahier n°46, août 2005,  d'Archéophil. Réproduction avec autorisation de Gephil asbl.


 

Pas d’électricité, un telephone public dans un café de la place du tri, quelques vélos (trois-quatre) ; train en 1900 : Neuville-Sud et, à partir de 1908, Neuville Nord.

 

Trois médecins pour Philippeville-Senzeilles et deux vétérinaires : Philippeville-Cerfontaine. Ces praticiens se servent d’une petite voiture tirée par un cheval. Ce véhicule s’appelait ‘Tonia’, voiture à deux places avec un fourreau en osier pour recevoir le parapluie. Le fait de se trouver isolés (écarts, chemins mal entretenus, neige, etc.), de recevoir tardivement les soins demandés, expliquent que les paysans doivent recourir aux services d’un sorcier, d’employer des ‘simples’, de faire des neuvaines, d’aller en pèlerinage.

 

En date du 7 avril 1899, un "p’tit gamain’ est ‘v’nu au monde dans ce village".

 

La phase de la Lune lui est favorable. Le chiffre 7 aussi : sept merveilles du monde, 7 couleurs de l’arc-en-ciel, 7 péches capitaux, 7 notes de la gamme, danse des 7 sauts... L’année également : chiffre 9 - 1 + 8 = 9. 9 + 9 + 9 = 27, soit 2 + 7 (preuve par 9). Le chiffre 9 combat la malchance (neuvaines).

 

La maman avait eu soin d’écarter, pendant sa grossesse, tout ce qui pouvait menacer sa vie aussi bien que celle de l’enfant :

 

a) renoncer à se peser, retoucher la personne qui vous frôle (tiens, le beau chapeau – tiens, la belle jupe) ;

b) coudre la jupe, le caraco, la blouse... de façon que les lignes du tissu ne soient pas prolongées, pour en détourner le courant ;

c) éviter les fortes émotions, la peur d’un animal : souris (si vous avez peur d’une souris, porter les mains aux fesses...) ; cependant, la mère s’était blessée avec le ‘courbèt’ (serpe) à l’index gauche et l’enfant portait à sa naissance cette marque au même endroit ;

d) éviter les ‘désirs’ : café, vin, fraises, groseilles qui laissent aussi des ‘marques’...

 

L’enfant n’était pas né ‘coiffé’ (porteur du voile de la vierge) : (fine membrane collée sur le crâne pendant les premiers jours). Ce voile ou cette coiffe (signe de chance) aurait pu lui servir comme remède contre les maléfices et les sortilèges.

 

Le père avait glissé de l’argent dans la main de l’accoucheuse pour ‘acheter’ l’enfant – le soustraire à un mauvais sort.

 

L’entourage avait le devoir d’éloigner les chats, de protéger l’enfant contre le pouvoir maléfique, de n’accepter auprès du berceau que des personnes ‘sûres’, d’entourer le berceau d’un voile, lequel empêchait les visiteurs de toucher le bébé et défendait l’accès du petit lit aux mouches, abeilles, et guêpes...

 

Baptême : à l’aller, la sage-femme ouvrait la marche avec le bébé ; au retour, elle clôturait le défilé.

À noter que, par égard pour le bébé, les parrain et marraine choisis par les parents ne pouvaient réfuser cet honneur, cette responsabilité. Le baptême comprenait neuf rites de détail à cette époque : introduction dans l’église, interrogations préliminaires, récitation du credo et du pater, insalivation, dénudation, renonciation au démon, onction, interrogation sur la foi et levée des fonds.

 

Ou bien : interrogatio, unsufflation, marque du signe de la croix, imposition des mains, bénédiction du sel, credo et pater, exorcisme, renonciation et promesse.

 

Le premier baptisé par le nouveau curé se prénommait Clément et le curé fut ‘parrain à la chandelle’.

 

Au cas où un sorcier appartenait à la famille, le parrain, la marraine, le papa devait répondre trois fois, chacun à leur tour, les mots ‘j’y renonce’ (3 x 3 = 9).

 

Le long du parcours, entre l’église et la maison, on jetait des sous aux enfants du village mais aussi des ‘çans’ (pièces de deux centimes). Ces pièces avait été percées d’un trou dans lequel passait une ‘faveur’ (ruban de couleur rose ou bleue) et étaient considérées comme des porte-bonheur.

 

Les sorcières n’acceptaient jamais ces ‘çans’ trouées. On appelait aussi ces pièces des ‘scènes’ ou des ‘mastoques’. Il existait des pièces de un centime (dèmèye çans ou demi-sènes ou petite mastoque) trop étroites pour y percer un trou. Certains gamins réussissaient à élargir ces pièces à l’aide d’un marteau sur une enclume, pour les ‘refiler’ à la vieille marchande de boule qui n’y voyait plus guère.

 

Dents : si les dents du bébé apparaissent trop tôt, elles sont le présage de la prochaine venue d’un ‘petit frère’.

Parfois, la maman conserve, comme souvenir, la première dent de lait de son enfant.

 

Pour endormir l’enfant, les berceuses ne manquent pas : nan, nan, ninette – fais dodo, colas mon petit frère – dodo, l’enfant do – frère Jacques – quand le p’tit Jésus – Jean, Jean, Jean, que ta femme est belle – maman, les p’tits bateaux – meunier, tu dors – il était une bergère – il pleut, il pleut, bergère – ah ! vous dirai-je maman – d’où viens-tu bergère – au clair de la Lune, etc...

 

Pour l’amuser, les risettes et les comptines :

Une petite bête qui monte – Petit poucet (en comptant les doigts de la main) – èl ceû qu’a stî au bos – je vais au marché – 4 patârs canard – 1, 2, 3, nous allons au bois – chant des 7 sauts – do, ré, mi, fa, sol, j’ai perdu mes croles – 1 km à pied – un éléphant ça trompe – j’ai perdu le do de ma clarinette – lundi matin – quelle heure est-il ? etc...

 

Des sauteuses : iû, iû, à dada, sur le cheval de son papa, etc...

 

Quelques versions d’un des plus grands tubes de tous les temps. (Source : The Internet Archive https://archive.org/about/ ) Manger trop de blé ? Le cheval risque des troubles gastriques dus à son gonflement dans l’estomac. Voilà !

 

 

Divers : j’ai du bon tabac – savez-vous planter des choux ? – sur le pont d’Avignon – nous n’iront plus au bois – il court, il court le Furet – dansons la capucine – en passant par la Lorraine – il était un petit navire – ron, rond, macaron – grand saint Nicolas – je me promène dans le bois – c’est la mère Michel - il était un avocat – Malborough s’en va en guerre – pomme de reinette – Ah, mon beau château, etc...

 

Premiers pas : pour aider l’enfant, on le place dans une espèce de chariot ‘tchaur’. L’enfant va et vient sur un parcours d’environ 1 mètre cinquante. Un appareil circulaire nommé ‘gadot’ soutient aussi l’enfant dans ses premiers pas.

 

École : au début du siècle, le petit garçon enfilait aussi une jupette pour aller à la ‘petite école’. Mais pour entrer à la ‘grande école’, il portait ses ‘premières culottes’.

 

En classe, il se servait d’une ardoise, d’une touche ou d’un morceau de schiste taillé (agauche).

 

Pour la nouvelle année, les ‘grands’ rédigeaient avec le maître, des lettres de souhaits sur papier enjolivé de fleurs. Après lecture de ces souhaits, les enfants recevaient un ‘bonan’, une ‘dringuèle’.

 

Saint-Grégoire : les écoliers enfermaient le maître pendant la récréation du matin. Puis ils partaient en chantant :

 

St Grégoire, c’è-st-audjoûrdu,

c’èst pu ça qu’nos-èstons v’nus

ramassi du lard, des ous

ou bin co saquants gros sous.

 

et parcouraient le village et les écarts, de porte en porte, pour récolter oeufs, lait, beurre et farine. Le soir, une fermière leur fabriquait des crêpes ou des galettes avec les matières ramassées et recevait gentiment tout ce petit monde.

 

À Villers le Gambon, les filles célèbrent la Sainte Catherine de la même façon et chantent :

 

Sainte Catherine était fille d’un roi

son père était païen, sa mère ne l’était pas

Ave Maria, Sancta Catarina.

 

Enfant de choeur (Coral) : devait servir le prêtre pendant les offices (messe, vêpres, salut), sonner à mort, cueillir et distribuer le buis le dimanche des rameaux pour ‘pauquer’ les tombes, les maisons et les champs. Pendant la semaine sainte ‘pwèneûse sèmwène’, le coral annonçait avec la ‘grûwe’ (crécelle) les heures des offices : ‘l’office dè not’sègneûr à ... eûres’, portait l’eau bénite à domicile et recevait son ‘pauscâdje’ (oeufs de Pâques coloriés, sous,...).

 

Plus tard, ce fut Antoinette qui fit la tournée avec des cruches d’eau bénite et des rameaux.

 

Fin de la première partie.