Deuxième partie

Quelques petits souvenirs de Francis Chabot et Vincent Delire

 

Francis Chabot (Chimay - Écrivain) :

"Je n'ai pas personnellement participé à l'activité Radio Eau Noire. Mais, en qualité de militant de l'asbl 'Association pour la défense du cadre de vie" organisant la résistance au projet de barrage sur l'Eau Noire, j'assistais régulièrement aux réunions de ses assemblées, tous les vendredis soir, au premier étage du café Le Casino (  aujourd'hui Lindberg) à Couvin, se dressant fort opportunément sur la berge de la rivière concernée, en plein centre de la ville. A dix heures du soir précises, nous nous interrompions pour guetter l'émission clandestine de Radio-Couvin, alors interdite, diffusée depuis un endroit imprévisible, chaque semaine, dans la forêt. Les pulsations cardiaques s'affolaient quand retentissait l'heure fatidique. Nos complices allaient-ils cette fois encore réussir à déjouer la vigilance de la B.S.R. et de ses goniomètres. Puis, au terme de longues secondes haletantes, parfois une minute ou deux, retentissaient sur les postes portatifs (transistors) nasillards les premières mesures de la "Symphonie du Nouveau Monde" de Dvorak et l'annonce héroïque rappelant le style des messages envoyés depuis Londres à nos maquisards : "Allô, allô, ici radio Couvin, la radio des antibarragistes couvinois". Puis pendant dix minutes, pas une de plus, se chevauchaient les informations sur la progression du mouvement, les anecdotes et les consignes sur les actions à venir (queût-ce été si Facebook avait existé à l'époque ?)  Mission terminée. Une fois de plus l'exploit était accompli. Jamais le gibier n'a été intercepté par les chasseurs en uniforme ! Ainsi se déroulait chaque semaine un épisode supplémentaire complétant la panoplie inépuisable d'une imagination dont la pugnacité a vaincu le projet absurde inutile et nuisible du barrage sur l'Eau Noire à Couvin.. Né sur les bords de cette rivière à Nismes et y ayant vécu mes vingt premières années, je ne pouvais pas imaginer qu'on ajoute cette horreur aux mutilations dont notre pauvre rivière avait déjà, sous diverse formes, payé un lourd tribut." (1)

 

Vincent Delire (Mimile) (Couvin - Chanteur dialectal) :

"Souvenir d'une émission au cours de laquelle je servais de "lièvre à gendarmes", ayant pour mission de cavaler sac au dos dans la direction opposée à l'émetteur si les pandores apparaissaient.

J'accomplis ma tâche telle que prévue : au premier combi qui apparut sur la vieille route de Rocroi, je m'enfuis dans le bois entraînant derrière moi une paire d'uniformes bleus. Les gendarmes se refusèrent à pénétrer plus avant dans la forêt - les risques de se faire "plomber" n'étant pas exclus - et je ne courus pas très longtemps... La période d'émission, qui n'excédait pas 1/4 d'heure, touchait à sa fin, je fis demi-tour et récupérai ma mobylette après avoir vérifié si la voie était libre.

Mais, de retour vers la ville, à l'Eglise des Bois, celle-là même qui devait être engloutie, ils m'arrêtèrent pour me conduire sur un parking où d'autres anti-barragistes "en promenade" avaient été appréhendés. La première réaction des agents fut de plonger fébrilement dans mon sac à dos qui semblait chargé. Ils en sortirent une boîte...de biscuits. Je l'ouvris et offris des friandises à tout le monde, aux flics, un brin désappointés et aux potes qui, eux, se marraient comme des baleines..." (2)

 



(1) mail 3 février 2019 - photo reprise de la page facebook.

(2) mail 5 février 2019 - photo reprise de la page facebook.