Le maquis de Neuville-Senzeilles : 1943-1944 



1. Le tout début du maquis

 

Pleine guerre.

 

Début 1943, Joseph Vercheval, sous officier de carrière et habitant de Pepinster, devait fuir son domicile car il était ‘brûlé’, c’est-à-dire que les Allemands étaient au courant qu’il travaillait pour un service de renseignements, actif dans la région liégeoise.

 

Joseph Vercheval était l’un des fils d’Auguste Vercheval, un surveillant d’exploitation forestière, qui habitait à Cerfontaine. C’est ainsi que Joseph Vercheval décida de se cacher dans la Forêt de Senzeilles, où il arriva la nuit du 15 au 16 février 1943 avec quelques amis, tous recherchés par les Allemands. Ils s’installèrent dans les baraques de chasse, construites de quelques planches, qui se trouvaient dans le bois. Il y avait la baraque Verbois, la baraque Martin, la baraque Daffe. Durant les temps froids ils trouvaient refuge à la ferme de la Forêt, en plein milieu de la Forêt de Senzeilles.

 

Dès le début Joseph Vercheval fut le chef du groupe, qui travailla très vite pour le ‘Lion belge’, service de résistance, réseau d’espionnage, dirigé dans la région Philippeville-Florennes par Prime Vincent, originaire de Sautour et habitant de Marcinelle. Dans ce groupe local se trouvaient aussi : Joseph Piret, son beau-frère, électricien à Senzeilles et Maurice Van Cantfort, instituteur à Villers-deux-Eglises.

 

Quand Prime Vincent introduira le Groupe G au sein de l’Etat-major, section de Charleroi, il décidera que le groupe de Joseph Vercheval deviendra le noyau d’un nouveau secteur du Groupe G, à savoir le secteur 73 E.

 

Ce groupe G ou Groupe Général de Sabotage de Belgique est un groupe de résistants issu d’un petit groupe d’anciens étudiants de l’Université Libre de Bruxelles en 1942. Au départ ce groupuscule se composait essentiellement d’intellectuels, mais les choses changèrent vite et l’un d’eux, Jean Burgers, qui se révèle comme chef, poussait les activités du groupe vers l’action. Le nom de guerre de Burgers était Fernand Gérard, ce qui deviendra également le nom de l’association : le groupe Gérard, et plus tard : le Groupe G. Ce Groupe G, qui comprendrait bientôt des centaines de membres, dont des professeurs de l’université, se concentrait surtout sur le sabotage des installations servant les nazis, un peu partout en Wallonie. (1)

 

Pour que le nouveau secteur 73 E soit opérationnel, il y faudrait plus d’hommes et par conséquent des logements et aussi un réseau d’aide pour la nourriture, des armes et des renseignements. Il a été décidé de loger le maquis dans la Forêt de Senzeilles, tout près de l’étang Dalle et le ruisseau Chapeau, à environ deux kms de Neuville-Sud, halte de chemin de fer n° 132 Charleroi-Vireux. En septembre 1943 commençait la construction des huttes, d’une cuisine et des postes d’observations. Par ailleurs, de nouvelles recrues étaient admises. Leur nombre, fluctuant,  étant en moyenne d’une vingtaine, les travaux furent bientôt finis et le réseau devint opérationnel. Jusqu’à ce stade, les Allemands ne suspectaient rien du tout.

 

2. Le réseau du secteur 73 E

 

Dès qu’elle eut connaissance de l’existence du nouveau maquis, la famille Julien Lehouck-Gerbehaye leur vint en aide. La famille habitait le château de Senzeilles et livrait des vivres, des vêtements, chaussures, armes et munitions, tabac,...  À Senzeilles, l’opposant fervent de la famille Lehouck fut le bourgmestre. Il faudrait être prudent. En effet, dès la fin de 1942 ce bourgmestre fut le rexiste Julien Leroy. Le parti Rex de Léon Degrelle était un mouvement d’extrême droite et nationaliste, très proche du fascisme et du nazisme d’Hitler. Il faudrait donc se méfier.

 

D’autre part, des contacts avec le Quartier Général du Groupe G de Charleroi furent établis. Celui-ci se trouvait au café des Templiers à Charleroi. Cet établissement était, et est encore, situé à la Place du Manège 7. Dans ces temps terribles la famille Wagnière-Tombu tenait le café. On y retrouvait l’Etat-Major du Groupe G de Charleroi : Prime Vincent, évidemment, le docteur Franz Canivet de Jamioulx, ayant son cabinet de consultation à Charleroi, et Leon Bauwens de Charleroi.

 

Le café ‘Au Cheval Blanc’, tenu par Raymond Lebon, faisait aussi partie du réseau : ici Prime Vincent s’entretenait avec ses contacts, tandis que le café ‘Aux Caves d’Alost’, également situé à Charleroi, tenu par Ernest Thibou, servait comme local de courrier. Ces deux établissements n’existent plus. (2)

 

Les sabotages pouvaient commencer. Comme en septembre 1943 par exemple ou un train de colza fut incendié. Le colza est une plante cultivée pour la production d'huile alimentaire et d'agro carburant.

 

3. Les Allemands prévenus

 

Déjà le 22 octobre 1943, soit un bon mois après que les maquisards soient prêts pour leurs actions de sabotage, l’épouse du bourgmestre de Senzeilles Lydie Leroy, se rendait à Charleroi, au bureau des rexistes de Charleroi. Elle y déclare le matin du 23 octobre entre autres que : "Dans la forêt de Senzeilles se cachent une vingtaine de terroristes armés, lesquels sont ravitaillés par les fermiers... (suivent les noms)... qui ont pour mission de fournir du pain pour les uns, pour d’autres du beurre, de la viande, ainsi que tous autres aliments pour ravitailler ces terroristes.... D’autre part, le nommé Julien Lehouck, lequel tient une petite fabrique en face de la gare et possède un château ... serait en possession d’armes... Lehouck finance également la bande de terroristes." La femme du bourgmestre compromettait encore plusieurs autres personnes. Cette dénonciation faite dans le bureau des rexistes à Charleroi sera envoyée au Sicherheitsdienst (SD), le service de renseignements de la SS.

 

4. Quelques fêtes et quelques imprudences

 

Le 11 novembre 1943, les maquisards fêtaient l’armistice. Pas en sourdine, car durant cette fête, dîner, liqueurs et gâteaux inclus, ils tiraient des salves de coups de feu, qui pouvaient être entendus bien au-delà de la Forêt de Senzeilles. Il y avait un poste allemand non loin de là, au pont de Grammont. Les Allemands ont dû entendre ces salves. Néanmoins ils n’ont pas réagi, bien qu’ils dussent être au courant de l’existence du maquis.

 

En outre, le 25 décembre 1943, les maquisards fêtaient Noël. Une messe de minuit était célébrée dans la Forêt de Senzeilles par le Père Gérard Collard, le préfet de l’Institut Zénobe Gramme à Angleur-lez-Liège, où étudiait Paul Lehouck, le fils de Julien.

 

Il y eu d’autres imprudences. Des maquisards armés descendaient régulièrement vers la halte de Neuville-Sud, alors qu’un officier allemand surveillait avec des jumelles les abords de cette même halte de Neuville-Sud. Les maquisards, bien qu’informés, n’en tenaient absolument pas compte et rigolaient. (3)

 

Il semble que les maquisards se sentaient à l’aise. En effet, les Allemands ne réagissaient pas. Peut-être ou plus vraisemblablement ils attendaient encore pour connaître tous les noms du réseau du Groupe G de Charleroi. Autre chose alarmante : parmi les maquisards se trouvait un certain René N ., un ancien garde SS flamand... Celui-ci devait d’ailleurs quitter le camp avant l’attaque à venir des Allemands. Était-ce lui l’infiltré ?

 

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Fin de la première partie.



(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_G

(2) Quelques souvenirs de guerre dans l’entité de Cerfontaine (1940-1944), Cahier n° 139, 2004, p. 17-18, André Lépîne, 2005. Website.

(3) idem, p. 25.

Texte : AvB - Corrections : VS