Ne dites plus girafe, mais girafes !


Ce n’est plus un animal, c’est une icône : pattes et cou démesurés, robe colorée et merveilleusement tachetée, langue longue, bleue et préhensile, tout en elle concourt à en faire un trésor pour parc zoologique.

Mais c’est aussi – heureusement pour elle – un animal sauvage qui peuple les étendues africaines. Avec une difficulté croissante, malheureusement : si on en dénombrait 140.000 encore à la fin des années ’90, l’effectif global ne dépasserait plus 90.000 aujourd’hui. Il n’y a certes pas péril, mais on approche d’un niveau de danger. En cause, la chasse et la fragmentation du territoire.

 

Le refrain est malheureusement connu. Mais voici du nouveau : il y a quelque temps déjà, des spécialistes ont reconsidéré l’espèce et établi, en fonction du pattern des taches de la robe et des territoires occupés, qu’on pouvait identifier 9 sous-espèces. Soucieux de valider par des analyses additionnelles cette classification, ces chercheurs ont effectué des prélèvements cutanés sur 190 girafes présentes à de nombreux endroits du territoire africain. Ceux-ci ont ensuite été soumis en Allemagne à des analyses génétiques tant sur l’ADN génomique que sur celui de mitochondries, ce dernier étant utilisé à titre de confirmation. Et une surprise de taille en a émergé : il n’y a pas une seule espèce comme on le pensait depuis longtemps, mais quatre, les différences génétiques étant au moins du niveau de celles qui permettent de distinguer l’ours brun de l’ours polaire !

 

Déjà, l’information en soi est de nature à ébranler tous ceux qui s’intéressent à l’animal et qui n’y voyaient jusque-là qu’une seule et même espèce ; mais elle soulève une problématique dont on n’avait pas conscience : s’il y a 4 espèces distinctes et non plus une seule, il y a aussi 4 populations à identifier d’abord, à quantifier ensuite, à préserver enfin. Et c’est là qu’on se rend compte que si l’effectif global des girafes est proche de 90.000 individus , il n’excède plus 10.000 pour une des quatre espèces ; du coup, celle-ci (et peut-être d’autres) atteignent un niveau critique qui impose des stratégies de conservation nettement plus urgentes.

 

Puisque Giraffa camelopardalis n’existe plus en tant qu’espèce unique, il restait à donner des noms aux quatre nouvelles entités identifiées. C’est fait et ces noms sont les suivants : G. giraffa pour la girafe du sud (Afrique du sud, Namibie et Botswana), G. tippelskirchi pour la Masaï (Tanzanie, Kenya et Zambie), G. reticulata pour la réticulée (Kenya encore, Namibie et sud de l’Ethiopie) et G. camelopardalis pour celle du nord, inféodée dans la partie septentrionale du continent africain.

 

Si ce n’est la stratégie conservatoire de ces espèces qui est à revoir, cette découverte met en lumière une réalité toute simple : c’est qu’on peut être un animal parmi les plus grands et les plus voyants de la création et garder pendant longtemps un secret caché. Comme quoi, le plus visible n’est pas ce qui apparaît toujours comme le plus évident !

 

(voir : Nature 2016 ; 537 : 290-291)

 

Texte : Jean-Michel Debry

Photo : domaine public

Article paru dans Athena du janvier 2017, nr. 327, p. 39 - site Web - page Facebook

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Article reproduit avec permssion.