Interview Fred Lani

(15 février 2017)


Frédéric (Fred) Lani, né le 13 mai 1977 à Namur, habite aujourd’hui dans les environs de Charleroi. Il est chanteur, guitariste, compositeur, surtout de la musique au style blues. En 1994 il forme son groupe Fred And The Healers, lequel est considéré comme un des meilleurs groupes de blues en Belgique. Le groupe remporte des prix précieux comme par exemple le 'Belgian Blues Prize', sorts plusieurs CDs, et joue et peu partout en Belgique ainsi que dans des festivals tels que le Peer Rythm and Blues Festival, Couleur Café, le festival de Dour, le festival de Nandrin, l'Eupen Muzik Marathon, le Jazz Marathon, Werchter, et bien d’autres.

 

- Pour commencer il faut bien dire que votre musique et vos compositions sont d’un niveau superbe et international. Cela dit, d’où vient votre inspiration, dans quelles choses de la vie trouvez-vous la motivation (ou la nécessité) de jouer un style de musique comme le blues et le blues-rock ?

 FL : Merci du compliment ;-) Le blues est une musique parfaite pour exprimer plein de sentiments différents sans pour autant être premier prix de conservatoire ! Personnellement, je me sens en phase avec les artistes noirs du début-milieu du siècle dernier. Je ne suis pas opprimé, ni esclave, mais je suis quelque part enfermé dans un monde qui ne me convient pas tout à fait...

 

- Dans vos quatre premiers CDs votre père (Papy X) jouait la basse. Vous avez aussi un frère, Bertrand Lani qui a sorti ses propres CDs. Donc : une famille très musicale. Une dynastie de blues-addicts ?

Et en plus, il y a des liens familiaux avec Bruno Castellucci le batteur de jazz renommé.

FL : Bruno est le cousin de mon papa, oui - c'est un musicien exceptionnel, très reconnu. Mon père, mon frère et moi, nous sommes clairement des bluesaddicts: on en écoute énormément et on en joue ;-) En plus, avec le retour du vinyle, on en réécoute beaucoup sur le format d'origine !

 

- Quels étaient vos premiers héros musicaux ?

FL : Mes premiers héros le sont toujours. Je dois dire que j'ai un faible pour Albert King, qui a un jeu d'une simplicité et d'une puissance absolument époustouflantes. J'ai rarement été autant touché par un musicien. A côté de cela, j'écoutais beaucoup Jimmy Hendrix, Johnny Winter, Rory Gallagher, Stevie Ray Vaughan, Les Rolling Stones, mais aussi énormément T Bone Walker, Wes Montgomery, ou des vieux bluesmen comme Robert Johnson, Blind Lemon Jefferson, Tampa Red, Arthur Crudup, ...

 

- Où et comment avez-vous appris à jouer de la guitare ? Avez-vous faites des études musicales ?

FL : J'ai commencé à la guitare à 15 ans. En réalité, ma maman et moi avions offert une guitare électrique à mon père pour son anniversaire. Rapidement, je la lui ai empruntée, au point qu'il a vite compris qu'il m'en fallait une également ! A partir de la là, on a jammé ensemble tout un temps. Mais j'ai appris la quasi-totalité de ce que je connais par moi-même en écoutant et en reproduisant.

 

- Vous n’aviez  que 17 ans quand vous avez formé Fred And The Healers et à peine 20 ans lors du premier CD "First". Comment cela c’est passé ? Y était-il d’autres groupes avant ? 

FL : Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai tout de suite joué avec mon papa. On a d'abord joué à deux dans ma chambre. J'ai eu beaucoup de chance qu'il accepte de faire de longues rythmiques pour que je puisse m'entraîner à faire mes premiers solos de blues... Ensuite, on a formé un groupe avec des amis à lui pour faire un ou deux concerts: on faisait des reprises de rock des années 60 et 70. C'était super, et grâce à cela j'ai pu apprendre à jouer en groupe. Et directement après on a formé Fred and the Healers avec Marc Lhommel à la batterie.

 

- Vous écrivez vos propres compositions, textes inclus. Comment composez-vous une chanson ?

FL : Le plus souvent je joue de la guitare acoustique ou de la guitare électrique non amplifiée. J'essaie plein de trucs jusqu'à ce que mon oreille soit accrochée par un riff ou une mélodie. Tout en faisant cela, je chantonne en yaourt. C'est un processus très organique qui bien souvent ne mène à rien, mais parfois quelque chose de sympa en sort ! A partir de là, j'amène l'idée au groupe et on arrange le morceau ensemble en répète. C'est plus tard que je finalise les paroles, et c'est en général laborieux...

 

- Vous êtes né à Namur en 1977. Habitez-vous encore à Namur (ou environs) ? Suivez-vous la scène musicale namuroise d’aujourd’hui?

 FL : J'habite actuellement la région de Charleroi. J'avoue que la vie de famille et les contraintes professionnelles ne me permettent pas de suivre particulièrement la scène blues actuelle. Je garde ce temps libre pour jouer et répéter !

 

En 2014 - De gauche à droite : Nicolas Sand, Fred Lani et Cédric Cornez. (Photo : Facebook)

 

- J’ai découvert votre musique par les émissions de Walter De Padua sur Radio 21. Si je suis correct, ses émissions de blues, de boogie, sont uniques en Belgique (et autour). Elles doivent être d’une certaine importance pour vous ?

 FL : Je suis un peu étonné de ce que vous dites car en réalité mes premiers passages datent plutôt de Radio 21 "21 Blues" avec Marc Ysaye d'une part, et "Rock A Gogo" avec Jacques de Pierpont d'autre part. Je me souviens en particulier du tout premier passage sur antenne avec Marc Ysaye alors que je m'apprêtais à aller à mon examen d'économie. En parallèle, Malika me passait également dans America, ... Et de nombreuses radios locales ont passé notre musique.  En ce qui concernent Doctor Boogie, je pense que nous y sommes peu programmés, bien que Walter De Paduwa relaie nos dates de concerts. Par ailleurs, il est très important que les radios locales et le service public puissent continuer à faire vivre le blues, et les musiques non commerciales... Donc je suis un fervent défenseur des émissions telles que Docteur Boogie, ou Blues sur Classic 21, et de toutes les excellentes émissions programmées sur les radios locales (par exemple celle de mon frangin Black and Blue sur Run Radio).

 

- Vivre de sa musique n’est pas évident en Belgique, surtout si on ne marche pas le chemin commercial. Par conséquent : comment survivre ? 

FL : Il faut choisir de vivre avec de petits moyens... ce n'est pas nécessairement compatible avec le fait d'acheter une bagnole, une maison, etc. Mais si on accepte de se contenter de peu - mais qu'on ne manque pas de l'essentiel - alors c'est possible de survivre, et même d'être heureux. C'est un peu un rêve, ou plutôt un mirage pour moi.

 

- Pourquoi avez-vous arrêté le projet ‘The Healers’ en 2004 ? Les albums vendaient plutôt bien. Il y avait de l’intérêt pour vous. Et pourquoi The Healers sont réapparus presque dix ans plus tard ? Comment vont les Healers aujourd’hui ? Beaucoup de concerts ?

 FL : En 2004, l'album Red a été plutôt mal compris par les fans, tandis qu'un nouveau public ne s'est pas vraiment présenté. J'étais moi-même sensiblement à bout de souffle et peu créatif sur scène... C'était le moment de faire une pause même si le groove avec Bruno et Papy X était tout bonnement fantastique. Les premiers concerts de la tournée Red, notamment avec Alex Schultz, étaient magnifiques, même si j'étais très stressé ! Je pense que tous les Healers successifs vont plutôt bien, et sont tous actifs de près on de loin dans la musique.

 

- Pourriez-vous nous présenter Nicolas Sand (drums) et Cédric Cornez (bass) qui forment The Healers d’aujourd’hui et qui jouent sur le dernier CD (Hammerbeatmatic, sortie en 2014, qui fut d’ailleurs très bien reçu et que j’aime vraiment bien). On ne trouve pas d’infos sur vos deux musiciens, ‘rythmique comme en béton’.

FL : Je connais Nico et Ced depuis longtemps ! Nico était actif dans les Ugly Buggy Boys (notamment), et Cédric m'avait déjà accompagné dans Superslinger.

Ils ont été actifs dans plusieurs groupes et projets auparavant (par exemple les Pizza Crushers). Nico et Ced froment vraiment une rythmique en béton,et ce sont des bosseurs. On est très sensibles à la qualité de notre prestation live et on a beaucoup travaillé à cela. On s'entend vraiment très bien et sur scène on se connaît bien. Je les apprécie énormément, tant humainement que muscalement ! A Nismes, en novembre, Nico était remplacé par mon pote Gerry Fiévé, avec qui je joue également souvent depuis 2005. Nico est actuellement encore convalescent suite à une opération à l'épaule et detendinites récalcitrantes.

 

 

- Des nouveaux projets à venir ? Avec The Healers, ou ? Nouveau CD(s)/LP(s) à venir ? Tour(s) en 2017 ? Des idées musicales ? Des projets ?

FL : Pour le moment, je suis vraiment plongé dans le blues des années 50 - 60. Je rêve de sélectionner mes compos actuelles les plus blues, d'y ajouter un ou deux covers et d'enregistrer un bon album de blues. Pas original, pas pour faire n°1 au top 50, mais un bon album de blues; peut-être agrémenté d'autres instruments. Dès que Nico sera retapé, nous nous y attèlerons.

 

- Comme influences, vous citez des noms comme Jimi Hendrix, Rory Gallagher, Albert King, ..., mais aussi Wes Montgomery et Marc Ribot, qui sont plutôt des guitaristes du jazz. En quoi ces artistes vous inspirent?

FL : Wes a une créativité, un sens mélodique et un swing rarement atteints, en plus il est autodidacte et de ce fait a inventé certains doigtés ! Marc Ribot, lui est terriblement original, avec une capacité à créer des solos complètement twistés, j'adore cela.

 

- C’est surtout live que votre musique touche au coeur. Racontez-nous d’un concert ou évènement que vous n’oublierez jamais.

FL : J'ai énormément d'excellents souvenirs... mais je suis plutôt du genre à regarder vers l'avenir. Et ce serait injuste de pointer un seul souvenir au regard de tous ces moments passés sur scène. Mais pour répondre, je dirais que ce que je recherche sur scène ce sont les moments de lâcher prise total... émotionnel et physique, c'est assez rare. Certains appellent ça la blue note, .... Ca m'est arrivé quelques fois, mais c'est trop rare...

 

- Si vous deviez choisir, disons, une dizaine de LPs/CDs dans le catalogue de toute l’histoire de la musique, lesquels seraient vos préférences ?

FL : Ca change tout le temps... mais là tout de suite je dirais :

Black Sabbath - Master of Reality

Led Zeppelin - Led Zeppelin II

The Rolling Stones - Sticky Fingers

Albert King - Live Wire

Stevie Ray Vaughan - Couldn't stand the weather

Albert Collins - Icepicking

Jimi Hendrix - Are you experienced ?

John Coltrane - Blue train

Tom Waits - Alice

BB King - Live at the Regal 64

G Love and the Special Sauce - Yeah it's that easy

 

- Dernière question : un rêve ? Un souhait ? (musical ou autre)

FL : Je me limiterais à un souhait musical... pourvoir enregistrer un nouveau disque et tourner, tout simplement !

 

Les CDs/LPs de Fred And The Healers

 

First

(Kroko records, now Oompah Beat Records, 1997)

Fred Lani (Guitar - Vocals)

Axel Muller (Drums)

JM 'Papy X' Lani (Bass)

 

 

 

I Gotta Leave

(Crossover, now Oompah Beat Records, 1998)

Fred Lani (Guitar - Vocals)

Jérôme Boquet (Guitar)

Axel Muller (Drums)

JM 'Papy X' Lani (Bass)

Electerrified

(Mercury Universal, 2002)

Fred Lani (Guitar - Vocals)

Jérôme Boquet (Guitar)

Axel Muller (Drums)

JM 'Papy X' Lani (Bass)

 


Red

(Oompah Beat Records, 2004)

Fred Lani (Guitar - Vocals)

Bruno Castellucci (Drums)

JM 'Papy X' Lani (Bass)

Hammerbeatmatic

(Oompah Beat Records, 2014)

Fred Lani (Guitar - Vocals)

Nicolas Sand (Drums)

Cédric Cornez (Bass)