Le jardin des fourmis


Depuis la trilogie romanesque à succès que Bernard Werber leur a consacrée, les fourmis, jusque-là connues des seules myrmécologues, n’ont plus de secrets pour le grand public; en tout cas pour ceux qui ont lu les romans en question. Encore que ces insectes coloniaux ont encore bien des choses à nous apprendre sans aucun doute. Preuve en est ce que des scientifiques allemands ont récemment découvert aux îles Fidji. En observant de très près des colonies d’une fourmi locale (Philidris nagasau), ils ont remarqué que ses membres transportaient régulièrement des graines de plantes et plus particulièrement de 6 espèces du genre Squamellaria. Il s’agit de végétaux épiphytes (qui poussent sur les arbres, donc) dont on sait depuis longtemps qu’ils sont associés aux fourmis, précisément, qui en font une base de leur subsistance ; au point que leur nom commun anglais est ant-plant, soit «plante à fourmis». On ne peut être plus clair.

 

Mais ce que les spécialistes ont observé, c’est que ce sont les fourmis qui - pour une partie au moins des Squamellaria - plantent les graines dans des anfractuosités des écorces d’arbres. Et ce n’est pas tout : elles déversent ensuite par-dessus, en guise de terreau, les résidus de leur propre activité métabolique ! C’est un vrai jardinage «petit format», mais efficace. Et une fois de plus, on constate que les humains n’ont rien inventé. Car si l’homme s’est sédentarisé et est devenu agriculteur il y a 9 à 10 000 ans, les liens entre la plante épiphyte et les fourmis auraient leur origine il y a 3 millions d’années.

 

Que cette pratique soit due, au départ, au plus grand des hasards, c’est une certitude. Mais il a tout de même fallu que les fourmis identifient, ensuite, le bénéfice qu’elles pouvaient en tirer afin de reproduire le geste; et qu’elles trouvent enfin le moyen d’en améliorer le rendement. D’ici à ce qu’elles en commercialisent la production, il n’y a peut-être plus qu’un pas…

 

(voir : Nature Plant, 2016. http.//dx.doi.org/10.1038/nplants.2016.181 )

Texte : Jean-Michel Debry - Photo : domaine public



Article paru dans Athena du février 2017, nr. 328, p. 40 - site Web - page Facebook

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Article reproduit avec permission.