Le fabuleux destin du Château de Fagnolle de 1900 à nos jours.


10. Un rêve de scout

 

"J’avais douze ans en 1969 quand je venais ici avec les scouts. Je tombais amoureux du site. Je me promis de revenir quand je serai grand pour restaurer le château."

 

Luc Lowagie, le scout d’antan, était né en 1947 à Ixelles. Il voudrait devenir châtelain, revivre les temps glorieux des princes et des chevaliers. N’est-ce un rêve de la plupart des garçons de cet âge ?

 

Mais la détermination de Luc Lowagie fut honnête et forte. Au début des années 1970, alors qu’il vivait à Woluwe-Saint-Pierre il se sentait prêt pour réaliser son rêve : devenir châtelain. En plus ce fut surtout le temps du comté de Fagnolle qui touchait l’imagination. En 1770 ce Comté de Fagnolle était devenu une enclave dans la principauté de Liège, sous la protection du Saint-Empire romain germanique. Le prince Charles-Joseph de Ligne devenait pour l’occasion comte d‘Empire. Quelle grandeur ! En 1792 ce conte de fées finissait, à cause de la Révolution française.

 

Pour Luc Lowagie, la mission fut avant tout d’obtenir les ruines du château de Fagnolle.

 

À cette fin, le 11 février 1970, Luc Lowagie, décorateur de profession, fonda avec des amis une association de but lucratif, appelée : ‘Association de Protection et développement de Fagnolle et Fagne', ayant pour objet principal "de rechercher et sauver de la destruction ou de l’oubli des monuments, des sites, des objets, des archives ayant rapport direct avec la Fagne et spécialement l’ancien comté de Fagnolle". (1)

 

Le Cercle des XV, n’ayant plus d’activité, se dissolvait juridiquement le 8 juin 1970. Dans ce cas, les statuts (Art. 20) stipulaient que "l’avoir social, après apurement des dettes en charges, serait remis à la province de Namur ou à une société poursuivant le même but que le Cercle des XV". (2)

 

Alors, presqu’un mois plus tard Lowagie fonda une nouvelle ASBL, cette fois nommée : ‘Cercle des XV reconstitué’ (créé 1 juillet 1970), dans le but de reprendre l’activité du Cercle des XV, et par conséquent d’obtenir les ruines de château de Fagnolle. Avec succès.

 

Encore un peu plus tard, le 27 septembre de cette même année, Lowagie et ses amis entamaient une fusion entre l’ASBL le Cercle des XV reconstitué et l’ASBL l’Association de Protection et Développement de Fagnolle et Fagne. La nouvelle ASBL fit logiquement appelée : ‘Cercle des XV et Fagnolle et Fagnes réunis’ (3). L’homme avec une mission convainquit de hautes personnalités comme le vieux Oscar de Falleur, déjà membre du Cercle du XV en 1928. De Falleur devenait président et Luc Lowagie premier vice-président, les deux recevant une délégation de pouvoirs de gestion courante, et pouvant agir séparément. L’ASBL Cercle des XV et Fagnolle et Fagnes réunis, repris alors les divers comités des Cercle des XV reconstitué, avec entre autres Paul Struye, alors président du Senat et Achille Van Acker, président du Chambre des représentants, le prince Antoine de Ligne, ambassadeur de Belgique, des gouverneurs de province et des bourgmestres, etc...

 

Bref, Luc Lowagie était tout près à réaliser son rêve. Quand le président Oscar de Falleur mourut en 1979, Lowagie changeait la dénomination de l’ASBL en ‘Les amis du château de Fagnolle, maison de la mémoire de Fagnolle’. En cette année Lowagie achetait le château de cette ASBL pour 1 franc symbolique. Luc Lowagie devenait alors châtelain à propre terme. Quant à l’ASBL, celle-ci changeait plus tard en ‘Les amis du château de Fagnolle’, tout simplement.

 

Reste encore à signalé que le 15 décembre 1970 la Commission des Monuments et des Sites classa la forteresse et son paysage environnant, un territoire de 3ha 65 ares.

 

11. En avant les travaux

 

Après l’acquisition du château en 1970 par les ASBL, Luc Lowagie s’installait dans les environs pour entamer les travaux. Ce fut un boulot de fous, car le site était enfoui de 10.000 m3 de remblais. (4)

 

Lowagie "consacra son moindre quart d'heure de loisirs à plonger tantôt dans les archives de Fagnolle, conservées au château de Beloeil, tantôt dans les livres d'histoire, les chartes et la correspondance seigneuriale.

Ses vacances ? Il les passait chaque année entre une débroussailleuse, une pelle et une brouette, à dégager le lierre, évacuer les décombres et trier les déblais. C'est à la force de ses bras qu'il dégagea le cœur du château fort et les douves, envahis par quelque vingt mille mètres cubes de terre, de vase, de pierres et de déchets. Et il n'est pas un gramme de tout ça qui échappa à son tamis. Ces fouilles lui ont ainsi permis de reconstituer une collection d'assiettes, de clefs, de pièces de monnaie et autres débris de céramique. C'est à la force des bras encore qu'il releva les pans de murs qui s'étaient effondrés de vieillesse, qu'il sauva les arcades, cheminées et chapiteaux gothiques réduits à un tas de pierres, qu'il rendit enfin un éclat d'origine aux huit tonnes de carrelage émaillé d'époque, enfouis dans la cour intérieure du château". (5)

 

Dans : Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, II p. 76.

 

Dans le Tour Sud-ouest Lowagie installait fin des années septante un musée dédié au toutes ses trouvailles.

 

En septembre 1980, " on a découvert un objet réellement fascinant : un masque en céramique au visage techniquement bien réussi.... Selon une hypothèse, pourquoi ne pas proposer une utilisation pratique de cette céramique ? Il pourrait s’agir d’une céramique ‘couvre-feu- de la fin du XVI° siècle : on ne peut que conjecturer ! ... Les ouvertures et la cavité des yeux laissaient pratiquement passer la fumée et le matin, il restait ce ‘couvre feu’ et à raviver les braises." (6)

 

"Avant la guerre de 1940, le Cercle des XV avait déposé au Musée Archéologique de Namur des fragments provenant de cette céramique découverte en 1980. Certains fragments du cou, d’un bandeau avec partie de nœud et une partie de la chevelure ont été redécouverts en 1980 au cours d’une fouille dans les réserves du Musée par le professeur A. Tasnoy." (7)

Les travaux et les recherches continuaient à haut tempo.

 

En 1981, le conservateur du château essayait même de récréer le jardin aux herbes potagères et médicinales, composé de 32 parquets, comme dans les années 1600. (8)

 

"Sur le site du château, depuis l’hiver jusqu’à la bonne saison, les ruines se miraient dans l’eau. Les brins d’herbe pointant leur tête vers le ciel indiquent bien que le bleu du ciel se reflète dans l’eau.

Avant d’excaver le sol, en 1983, tout autour des ruines, on pouvait voir, en mars, les iris jaunes des marais agrémenter le site de leurs mille taches jaunes tranchant dans la luxuriante verdure de ce paysage enchanteur.

Depuis le déblaiement et la réapparition de douves en 1983, les iris faux-acore n’y fleurissent plus et la reine-des-prés a disparu elle aussi, ainsi que les roseaux et les massettes.

L’ancienne forteresse médiévale semblent surgir d’une lagune ou d ‘une cité lacustre.

Depuis 1984, les douves réaménagées sont de nouveau remplies d’eau et les canards y barbotent et cancanent." (9) Les douves réaménagée contiennent plus de 4.000 m3 d’eau ! (10)

 

Pour arriver au château, il faudrait alors construire un pont, une "curieuse passerelle", d’après Solange Robert, l’auteur de ‘Ces Vieilles Pierres de Fagnolle’ (11) .

 

La "curieuse passerelle" (photo : MS)


12. Commencent les problèmes

 

En plus, Luc Lowagie recevrait de l’aide de la Communauté française pour la restauration du château. Rien de mieux, on dirait.

 

"1985, date à laquelle la Communauté française clôtura l'appel d'offres qu'elle avait lancé pour la restauration de la forteresse de Fagnolle, monument classé. On désigna alors un adjudicataire, et les travaux furent rapidement exécutés.

C'est peu de temps après leur achèvement que l'on constata des infiltrations d'eau suspectes, problème d'étanchéité.

En 1988, alors que l'on pensait que les problèmes d'humidité avaient été réglés, on constata une réapparition des infiltrations. Si la responsabilité de l'adjudicataire des travaux n'était pas engagée, celle de son principal sous-traitant, en revanche, l'était pleinement. Le tribunal invita donc l'entrepreneur à exécuter les réparations.

Il restait à s'accorder sur le montant des dommages qui seraient versés au propriétaire, dont les projets d'exploitation avaient été contrariés, sinon «noyés» par les infiltrations d'eau. Entre-temps le propriétaire Luc Lowagie, dont la perte commerciale atteignait, selon lui, une dizaine de millions de francs, est poursuivi par une banque, et menacé de faillite, pour n'avoir pas rempli ses obligations contractuelles." (12)

 

Les travaux de restauration furent donc interrompus.

 

Heureusement qu’en 1987 Luc Lowagie vit un rêve devenu réalité. Le 26 septembre de cette année, "la grande salle restaurée, au beau plafond planchéié, eut l’honneur de recevoir et d’abriter L.L. A.A. le Prince et la Princesse Antoine de Ligne et l’Archiduc d’Autriche", ceci dans le cadre d’Europalia 87 Österreich. À cette occasion, une exposition rappelant par de nombreux documents le ‘comté de Fagnolle – Terre d’Empire’ fut organisée par l’ASBL Les Amis du château de Fagnolle. (13)

Texte : AvB - Correction : Valérie



(1) Statuts Annexes MB du 12 mars 1970, N. 1466

(2) Statuts : Annexes MB 26-27 déc. 1928, n° 1053

(3) Statuts Annexes MB du 15 octobre 1970, N. 6122

(4) http://www.tourismephilippeville.be/patrimoine/les-ruines-du-chateau-de-fagnolle

(5) Le Soir, vendredi 26 juillet 1991, http://archives.lesoir.be/il-y-a-loin-du-reve-de-scout-a-l-aboutissement-du-chant_t-19910726-Z047J7.html

(6) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, II  p. 75

(7) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, II p. 75

(8) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, VI p. 55

(9) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle VII, p.90

(10) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle III, p.4

(11) Tome I, p. 108

(12) Le Soir du 23 décembre 1991 - http://archives.lesoir.be/consequences-d-un-litige-entre-proprietaire-et-entrepre_t-19911223-Z04TGX.html

(13) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle IV,  p. 102 & III, p. 81