Le fabuleux destin du Château de Fagnolle de 1900 à nos jours.


6. Au ruines !

 

À la suite de l’entretien avec l’entrepreneur Kinnard, les membres du Cercle des XV décidèrent de visiter les ruines du château de Fagnolle le 11 septembre 1928, accompagnés de Félix Rousseau, conservateur aux Archives générales du Royaume, qui donna une conférence sur l’histoire du château.

 

"Réunis à Couvin avec nos amis, après la conférence, nous fûmes rejoints par M. Kinnard, qui nous fit appeler pour nous annoncer cette bonne et grande nouvelle :

J’ai le plaisir de vous faire part qu’à la suite d’une généreuse intervention, je serai remboursé de la somme que j’ai payé pour l’achat des débris du château de Fagnolle. Vous pouvez donc considérer que les ruines, auxquelles vous vous intéressez tant, sont sauvées de la destruction." (1)

Omer Lambiotte, président du Cercle de XV

 

Le généreux mécène dont parlait Kinnard était le notaire bruxellois Charles Claes, qui lui payerait la somme de 25.000 F. Le notaire Charles Claes devenait subitement membre du Comité d’honneur du Cercle des XV, à coté de personnalités tel que –entre autres- le baron de Gaitlier d’Hestroy, gouverneur de la province de Namur ; Fernand Golenvaux, bourgmestre de Namur ; Léon Sasserath, bourgmestre de Dinant ; A Delvaux, bourgmestre de Philippeville. En ce qui concerne l’entrepreneur Kinnard, il devenait membre effectif. (2)

 

En plus, durant la réunion du Cercle des XV à Namur fin février 1929, le président Omer Lambiotte, annonça que par acte passé devant le notaire Abel Frère de Mariembourg le 1er février que le Cercle des XV "devenait définitivement propriétaire des célèbres ruines de Fagnolle. Ainsi se termine une campagne que le Cercle des XV a vigoureusement soutenue". (3)

 

Jules Bastien, qui acquis le château en 1923, a fait don du terrain des ruines au Cercle des XV et le notaire Abel Frère "eut à cœur de dresser gratis l’acte de cession". (Le Guetteur wallon, mai-juin 1929, p. 98) Tous les deux, Jules Bastien et Abel Frère s’entendaient proclamer ‘membres correspondants’ pendant cette réunion de février 1929. Bastien, en 1928 encore un ‘madré villageois, devenait même conservateur du château de Fagnolle. (4)

Ainsi, la réunion de février 1929 finissait en grandeur : "Enfin, Mademoiselle Georgette Steens, cantatrice à la voix superbe, créa, au milieu du plus vif enthousiasme, le ‘Chant des XV’, paroles de Jules Sottiaux, le grand poète de l’Entre-Sambre-et-Meuse." (5)

 

 

7. Retour aux ruines !

 

Après un tel succès, le Cercle des XV était devenu une association avec plus de cinquante membres, dont des députés, des bourgmestres, des avocats, des notaires, des industriels, des hommes de lettres,... Pas de femmes.

 

Encore en 1929, un nouvel exploit fut organisé : un retour d’honneur aux ruines, par préférence le 21 juillet, afin de montrer en même temps l’attitude patriotique de l’association. D’ailleurs, quelques mois auparavant, son président Omer Lambiotte recevrait le titre d’écuyer du roi Albert I.

 

Pour la gloire de tous, et pour être sûr d’un maximum de publicité, le Cercle des XV invitait des journalistes belges de journaux comme l’Indépendance belge, la Gazette de Charleroi, les Nouvelles de La Louvière, Vers l’Avenir, le Journal de Charleroi, le Pays Wallon, le Rappel, l’Avenir du Tournaisis, la Gazette du Centre, la Province, le Soir, l’Etoile Belge, le Progrès, le Messager de la Paix, la Gazette, La Vingtième Siècle, la Nation Belge, la Libre Belgique, le National Liégeois, la Meuse, la Métropole, le Temps, le Matin. ." (6)

 

Emile Close : "Le point de concentration est Philippeville, où, vers 10 heures ½, sont réunis vingt-cinq autos et un superbe autocar. Toutes les voitures portent à l’avant le fanion aux couleurs rouge et or du Cercle des XV. Un arc de triomphe en verdure, des drapeaux, des banderoles de bienvenue : c’est l’hommage de la ville de Philippeville au Cercle des XV et aux représentants de la Presse. Puis, à travers une région que la nature a généreusement dotée, la caravane se dirige vers Sautour, dont les ruines apparaissent, perchées comme un nid d’aigle." (7)

 

Après la visite de Sautour, "on remonte dans les autos et en route pour Fagnolle, où de nouvelles surprises nous attendent. A l’entrée du village, les Fanfares ‘les Vrais Amis’, reconstituées pour la circonstance, après une léthargie de nombreuses années, nous gratifient d’un allègre pas-redoublé –exécuté avec un ensemble parfait- suivi d’une vibrante ‘Brabançonne’, écoutée chapeau bas. Le vaillant chef des Fanfares est le secrétaire communal, M. Jules Bastien, membre correspondant du Cercle des XV". (8)

 

Voilà que Jules Bastien évoluait de ‘madré villageois en ‘vaillant chef’ en moins d’une année.

 

Carte postale : le Cercle des XV à Fagnolle le 21 juillet 1929.

 

Les excursionnistes se rendaient alors au Grand Hôtel de Nismes pour un dîner et pour des discours. Après, c’était de nouveau Georgette Steens qui apparût, cette fois pour chanter la Brabançonne. Fernand Baudé chantait ensuite le Chant des XV, "que toute la salle enthousiasmée reprend en chœur" (9). La journée se terminait à l’Hôtel de Ville de Dinant, où d’autres discours furent prononcés.

 

Après cette excursion mémorable, il fallait que les hautes personnalités et les journalistes se souvinssent bien que "ces vénérables ruines, propriété du Cercle de XV, sont à l’abri de la destruction et, avec l’aide et la bonne volonté des pouvoirs publics, il est à espérer que bientôt on pourra entamer les travaux indispensables de restauration". (10)

Texte : AvB - Correction : Valérie



(1) Le Guetteur wallon, septembre-octobre 1928, p. 161

(2) Le Guetteur wallon, février 1929, p. 9

(3) Le Guetteur wallon, février 1929, p. 9

(4) Le Guetteur wallon, février 1929, p. 10

(5) Le Guetteur wallon, février 1929, p. 10

(6) Le Guetteur wallon, juillet 1929, p. 99

(7) Le Guetteur wallon, juillet 1929, p. 96

(8) Le Guetteur wallon, juillet 1929, p. 96-97

(9) Le Guetteur wallon, juillet 1929, p. 99

(10) Le Guetteur wallon, juillet 1929, p. 97-98