À l’occasion du quatrième tome de la série BD ‘Dent d’ours’ qui vient de sortir :

Une interview avec le scénariste Yann.


Il n’y a pas si longtemps que le nouveau tome ‘Amerika Bomber’ de la série BD extraordinaire ‘Dent d’ours’ est sorti, après être parue dans Spirou, magazine de BD, édité par les Éditions Dupuis, de niveau superbe pour jeunes et vieux, avec base à Marcinelle, pas trop loin d’ici.

 

Les quatre tomes parus jusqu’à aujourd’hui se trouvent aussi dans la bibliothèque de Philippeville, n’hésitez pas à les emprunter. Ils sont également en vente dans les librairies.

 

Dent d’ours est une série créée par le dessinateur Alain Henriet (°1973) et le scénariste Yann (Yannick Le Pennetier), l’un des scénaristes incontournables du monde BD. Ce Breton, né en 1954, s’installait à Bruxelles pour écrire pour de tous grands de la BD comme Morris, Franquin, et dizaines d’autres.

‘Dent d’Ours’ est une histoire de la Seconde Guerre mondiale et d'aviation, à la croisée du drame psychologique, de l'aventure réaliste et de l'histoire d'espionnage. En 2013 le tome 1 ‘Max’ fut édité, suivi par ‘Hanna’ (2014), ‘Werner’ (2015), et enfin ‘Amerika Bomber cette année (Éditions Dupuis).

 

Nous avons le grand plaisir de vous présenter ici une interview avec Yann, comme parue dans le journal Spirou N° 4071, du 20 avril 2016. Avec l’autorisation explicite de l’éditeur.

 

Opération espions pour Hanna et Werner.

 

Porté par ses héros, Yann prolonge les aventures d’Hanna et Werner, prévue initialement en trilogie. Il peut extirper des replis de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale les opérations Paperclip et Alsos, fascinants monuments de cynisme orchestrés par l’OSS. (OSS = ‘Office of Strategic Services’ou ‘Bureau des services stratégiques’. C’ était une agence de renseignements du gouvernement des États-Unis, créée dans la Seconde Guerre mondiale – note.)

 

- Pourquoi cette envie de continuer Dent d’ours alors que la série était prévue en trois tomes ?

 

Yann : Quand on a l’impression d’avoir touché le public avec des personnages, le plaisir d’écrire et tel qu’on a forcément envie de poursuivre leurs aventures. Comme j’ai beaucoup de documentation sur les nazis à la fin de la guerre, et que j’avais particulièrement envie de parler de leurs étonnants projets d’armes secrètes, j’ai décidé de traiter le sujet à travers Dent d’Ours. Dans cette série, je m’intéresse surtout au destin d’Hanna et de Werner. Si en plus elle peut avoir un intérêt historique, je ne vais pas m’en priver !

 

- L’Opération Paperclip est-elle un fait historique ou une invention de scénariste ?

 

Yann : Un fait historique. Dès 1944, les Américains songèrent à exfiltrer des savants allemands comme Wernher von Braun, afin de les "dénazifier" et de les utiliser à leur compte, au service des "Forces du Bien". L’ancêtre de la CIA, l’OSS, dirigée par le général Donovan, avait donc chargé ses espions de récupérer les "cerveaux" allemands. L’objectif était de préparer la troisième guerre mondiale, dont on pensait qu’elle se déroulerait contre les Soviétiques. On était en plein James Bond ! Mais les Américains n’étaient pas les seuls à faire leur marché chez les nazis. Les Anglais, les Français et les Russes ne se sont pas gênés non plus !

 

Ces pays en ont-ils retiré du bénéfice ?

 

Yann : Les Russes ont mis la main sur les spécialistes nazis des avions à réaction. Ça leur a permis de créer le MIG 15 inspiré du Ta 183, grâce auquel ils ont pu surclasser les Américains pendant la guerre de Corée. Les Français ont récupéré Eugen Sänger, l’inventeur du Silbervogel, un mystérieux avion-fusée au centre de ce nouveau Dent d’ours. Sänger travailla, pour la France, sur des avions à décollage vertical farfelus qui ne donnèrent pas vraiment de résultats. Les Russes avaient eux aussi cherché à récupérer Sänger. Staline avait même envoyé son propre fils, Vassili, membre des services secrets, le traquer. Il était persuadé que le savant se terrait dans un bunker. Sauf que Sänger, inconnu du grand public, était tranquillement parti se marier en France, où les services secrets locaux n’ont eu qu’à le cueillir...

 

- Les Américains avaient aussi lancé l’Opération Alsos, visant à empêcher les nazis de développer l’arme nucléaire.

 

Yann : Les Allemands avaient du retard en la matière. Beaucoup de savants atomistes étant juifs, Hitler avait déclaré que la bombe atomique était une "arme juive" et avait donc interdit à ses chercheurs d’y travailler... Grâce à la bêtise d’Hitler, on a peut-être évité un conflit atomique ! Les nazis, à la fin de la guerre, avaient toutefois assez de connaissances pour fabriquer une bombe "sale", qui aurait pu tuer les gens par radiations, comme on le voit au début d’Amerika Bomber.

 

- Le général Donovan, responsable de Paperclip et Alsos, devient un personnage central de Dent d’ours.

 

Yann : Donovan, chef de l’OSS, a réellement existé. Il y a des tonnes d’histoires incroyables à son sujet. On lui devrait par exemple l’invention du pistolet silencieux. Donovan avait défié un de ses collaborateurs, qu’il surnommait "Moriarty" et qui serait l’inspirateur du M de James Bond, de lui construire un pistolet silencieux. Moriarty est un jour arrivé chez Donovan, l’air de rien. Quand ce dernier lui a tourné le dos, il a sorti le pistolet muni d’un silencieux et tiré dans les murs sans que Donovan s’en rende compte ! Séduit par l’invention, malgré l’état de ses murs, Donovan reproduira ce "gag" en tirant dans les coussins du président Roosevelt pendant qu’il regardait ailleurs.

 

- Vous êtes si attaché à vos personnages qu’on a du mal à croire que vous les abandonnerez à la fin de la Seconde Guerre mondiale...

 

Yann : Limogé par le président Truman, le successeur de Roosevelt, Donovan continua à mener pas mal d’opérations dans l’ombre. Qui sait s’il ne recruta pas des pilotes chevronnés rencontrés pendant la guerre pour lutter contre les dangereux bolcheviques et autres bad guys ? Mais en admettant que je raconte un jour cette histoire, ce ne sera qui si Hanna et Werner, parviennent à neutraliser le terrible Silbervogel, qui pourrait bien changer le cours de la guerre !

 

La série Dent d’ours est également parue en néerlandais sous le titre ‘Berentand’.

 

Pour terminer, un must : abonnez-vous au journal Spirou sur www.spirou.com/abonnement et lisez toutes ces merveilleuses BD en avant-première !